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Le Tableau de La Fontaine au tableau

 

lundi, 11 janvier 2010

 "Tableau de La Fontaine au tableau"

 

Le Tableau de La Fontaine manquait d'un tableau. C'est chose faite. Catherine Dhomps a agi. Le sexe porte l'oeil. Chacun regarda attentivement ce tableau dès qu'il fut exposé, le soir du vernissage, à Portet-sur-Garonne, en décembre dernier. Le sexe éclipsa les animaux des Fables.

Le Tableau, publié en 1674, est le dernier des Nouveaux Contes de La Fontaine. Ce n'est pas le dernier de ses Contes. En 1685, un an après son élection à l'Académie, lors de laquelle il avait apparemment promis de n'en plus faire, La Fontaine en publia plusieurs, dont Le Fleuve Scamandre, qui contient ce vers :J'ouvre l'esprit et rends le sexe habile... Son commentateur de la Pléiade juge queles audaces avec l'âge s'émoussent... Qu'il apprenne à lire !

 

Le Tableau ouvrait largement l'esprit... La Fontaine, auteur de Contes, demeure gommé des programmes. Jamais à un concours on ne mit cet ouvrage. Tant mieux pour lui : on le lit sans l'oeil des maîtres.

Dans le Tableau est représenté un tableau qui représente deux nonnes se partageant un manant. Une chaise est brisée.

La Fontaine conte l'histoire conduisant à cette scène de déduit.

Mieux vaut parfois conter que montrer le visible, puisque

Toute Matrone sage, à ce que dit Catulle,

Regarde volontiers le gigantesque don

Fait au fruit de Vénus par la main de Junon.

A ce plaisant objet si quelqu'une recule

Cette quelqu'une dissimule...

Que disimule l'Education nationale ? On le voit. Passons.

La Fontaine rend visible le visible, avec grâce, en voilant :

Tout y sera voilé, mais de gaze; et si bien

Que je crois qu'il n'en perdra rien.

Qui pense finement et s'exprime avec grâce

Fait tout passer car tout passe.

Montaigne ne peignait pas l'étre mais le passage. La Fontaine, en son Tableau, fait passer la peinture par les lettres.

Quand le mot est bien trouvé

Le sexe en sa faveur à la chose pardonne

 

Action :

Un Bachelier devait passer en un monastère. Deux nonnains désiraient y passer, par lui, un bon moment, voire thèse d'amour.

Le Bachelier

Leur avait rendu familier

Chaque point de cette science.

Et le tout par expérience.

Le Bachelier fut en retard. Cela arrive. Est-ce affaire, est-ce maladie ?

Passe un mazet...

Les nonnes jugent le coquin assez bon :

Ce pitaud doit valoir pour le point souhaité

Bachelier et docteur ensemble.

Le rustaud est assis sur la chaise. Ces dames y vont, mais voilà que cette chaise casse...

On entendit craquer l'amoureuse tribune

 

Le rustre tombe à terre en cette occasion...

Censeurs, n'approchez point ici votre oeil profane.

Vous, gens de bien, voyez comme soeur Claude mit

Un tel incident à profit.

Thérèse en ce malheur perdit la tramontane.

Claude la débusqua s'emparant du timon.

Thérèse pire qu'un démon,

Tâche à le retirer et à se mettre au trône...

 

Il me semblait important qu'une femme fît le tableau du Tableau.

Je n'en sais pas qui ait illustré les Contes.

Catherine Dhomps, sur mon avis, s'y employa.

Mais la main de l'artiste fit surgir sens nouveaux.

Outre le gigantesque don, au tableau du Tableau, ce fut Giscard qui m'apparut, autre don.

Comment décrire ? La peinture déchet dans ma description.

Giscard dans le tableau regardait le tableau.

Pour Catherine Dhomps, comme pour moi, après enquête, la chaise brisée par les nonnes et le Mazet était celle de Giscard.

Cette chaise, on s'en souvient, passa à la télévision, un soir de mai 1981. Quel passage !

Que se passe-t-il à la télévision quand on ne la regarde pas ? Denis Favennecm'a raconté qu'enfant, il entrait dans la pièce où se produisait la télévision pour la surprendre quand elle était seule...

Quand Giscard s'est retiré de sa chaise, la télévision a continué. On ne peut croire que, dans la télévision, la chaise soit restée inutile. Son rôle était écrit dans le Tableau.

Giscard, sans s'en douter, ni nous, était le spectacteur de sa chaise. Nous sommes tous ses spectateurs.

Cela fut, et sera toujours. Certains voudraient rappeler que La Fontaine n'a pas connu Giscard, mais les histoires construisent le temps. La chaise de Giscard était écrite avant qu'il fût. Elle a pu être brisée, brisée encore, reconstruite, et rebrisée encore, comme une citrouille, ou un carosse, avant que d'être à la télévision. Giscard lui-même était peut-être attendu par les nonnains, alors qu'il courait la Princesse, avec Alice in Wonderland. Le temps de l'art, le réel, n'est pas seulement celui des pendules, ou des commentateurs de la Pléiade. Tout y est être et de passage, et en tous sens.

Chacune sait le titre du premier roman de Giscard : Le Passage. La Fontaine précise :

Qui pense finement et s'exprime avec grâce

Fait tout passer, car tout passe.

Car notre vie est un voyage, dans l'hiver et dans la Nuit, ajoute Céline

Cela se passe, dans un tableau, cet hiver 2009-2010, où se voit tout.

Bien entendu, très peu de gens ont vu.

Qu'importe ?

Le sexe porte l'oeil sans toutes ces façons.

 

Yves Le Pestipon

 

 

Catherine Dhomps

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