Peindre, dit-elle...
Sur le chevalet, un tableau me nargue depuis trois mois.
Inachevé.
Il m'empêche de passer au suivant ou me sert d'excuse pour ne pas.
Lorsque je le regarde, l'impuissance me gagne. Il ne manque pas grand chose, pourtant...
A force de l'observer, j'ai compris.
C'est un tableau lisse, trop lisse, une eau dormante.
Je suis prise au sortilège. Nul Prince n'a posé un baiser.
L'herbe est verte, les briques roses, le ciel bleu.
Des personnages s'y promènent, s'y reposent.
La Garonne ne reflète rien encore : il reste à imprimer ses rides, l'arche inversée du pont.
La semaine dernière, j'ai compris ce qui me chagrinait.
Il n'y a pas de mouvement. Cette scène est une rêverie, une jolie, paisible rêverie et j'en étais prisonnière.
J'ai tourné le tableau.
L'oublier !
C'est arrivé d'un coup !
Une irrépressible envie de galop m'a traversée.
La délivrance !
J'ai pris une grande feuille de papier, tracé un carré et, occupant tout l'espace, dessiné un taureau en pleine course.
Avec le taureau, l'envie de peindre est là, jubilatoire.
Ce tableau avance à grands traits. Il me tarde de le voir sur la toile !
- "Tu devrais rajouter des personnages, il n'y en a pas assez", m'a dit un ami récemment, qui regardait la toile des bords de Garonne, abandonnée.
- "Une barque, aussi... ton tableau est trop vide.
- Tu crois ?"
J'observe, dubitative...
A la réflexion, je vais l'écouter.